« The Journal of Sports Medecine » a publié une étude montrant tout l’intérêt d’écouter son corps pour moins se blesser en course à pied. Chaque année, entre 40 et 60% des coureurs déclarent s’être blessés. D’autres articles indiquent des taux encore plus élevés, allant jusqu’à 70%. Le plus frappant est de constater que malgré les douleurs, 80% continuent de courir…au prix d’aggraver leur état et d’être obligés de s’arrêter complètement sur une période beaucoup plus longue.
Dans ces études, on peut remarquer que ce sont surtout les débutants (avec une expérience de moins de 2 ans en course à pieds) et les hommes (1.45 fois plus de chances que les femmes) qui ont tendance à se blesser.
La plupart de ces blessures sont engendrées par des mouvements répétitifs et à des facteurs multiples en grande partie contrôlables par le coureur (fréquence des entrainements, durée, distance, vitesse, puissance musculaire, surfaces empruntées, chaussures, etc.).
La bonne nouvelle est que dans la grande majorité des cas, le secret pour éviter les blessures en course à pied est simple : écouter son corps.
Pour en parler, nous avons la chance d’aborder le sujet avec Pierre Orban, kinésithérapeute du sport à Nivelles (Belgique – Brabant Wallon), spécialiste en réhabilitation et réathlétisation de sportifs, et préparateur physique d’équipes de football et de hockey.
Dans cet article, nous allons expliquer :
- pourquoi le corps est une machine d’adaptation
- quels sont les signaux d’alerte qui doivent nous inquiéter
- quelles sont les conséquences probables lorsque l’on veut forcer
- comment progresser en course à pied et écouter son corps
- quel rythme de progression adopter
- quand mettre du chaud ou du froid
- ce qu’est la kiné sportive
Pourquoi le corps nous envoie des signaux d’alerte ?
La première chose à bien comprendre est que le corps est une magnifique machine à s’adapter. Avec une bonne planification et une bonne intensité, il parvient à s’accoutumer aux efforts et à progresser.
Cependant, il faut lui laisser le temps de s’adapter. Quand on veut aller trop loin, trop fort, trop vite, il y a d’office quelque chose qui va lâcher à un moment ou l’autre. Écouter son corps en course à pied est la clé pour éviter de se blesser.
Dans ce sport, beaucoup de muscles et d’articulation sont sollicités et se fatiguent. C’est pourquoi, les coureurs doivent être attentifs aux signaux d’alertes qui apparaissent s’ils ne veulent pas être immobilisés pendant des semaines.
Le corps nous donne toujours les bons signaux pour nous indiquer si nous respectons son rythme de progression et lui donnons assez de temps pour récupérer.
Il est donc essentiel de lui faire confiance et d’être à son écoute. Et vraiment lui laisser le temps de récupérer et de ne pas vouloir le forcer.
Quels sont ces signaux d’alerte ? Quelles sont les douleurs normales et anormales ?
Par exemple, des raideurs musculaires et articulaires les lendemains matins de ses séances d’entrainement. Avoir des courbatures c’est plutôt normal, mais des raideurs persistantes qui durent plusieurs jours sont clairement des signaux d’alerte.
Dans la même idée, une douleur qui va persister et s’installer toujours au même endroit pendant plusieurs sorties d’affilée.
Dans ces cas de figure, la première chose à faire est de diminuer un peu la charge. Peut-être éviter les dénivelés, ou réduire sa prochaine séance de quelques kilomètres. Si on voit que la diminution de la charge est bénéfique pour le corps, on va pouvoir augmenter progressivement 1 ou 2 semaines plus tard. Mieux vaut maintenir une distance sur laquelle on se sent à l’aise et où l’on peut bien travailler dessus que de se blesser en faisant de trop.
Si ce sont des petites gênes que l’on connait, qui vont et viennent de temps en temps, il ne faut pas trop s’inquiéter. Mais pour celles qui perdurent et sont localisées toujours au même endroit, il faut consulter un médecin du sport ou bien son kiné du sport. C’est la meilleure façon de s’assurer que ce n’est pas quelque chose de plus grave.
Alors, comment jongler entre plan d’entrainement et écouter son corps ?
C’est une très bonne question parce que l’on trouve un peu tout ce qu’on veut sur le Web au niveau des plans d’entrainements. La planification c’est intéressant, mais il faut vraiment être en mesure de la personnaliser. Le meilleur moyen est de se fier à son ressenti.
Il faut vraiment se rendre compte qu’un plan d’entrainement est un fil rouge, mais qu’il ne faut pas forcément le suivre à la lettre. Planifier en course à pied signifie également mieux écouter son corps. C’est indissociable. C’est pourquoi je trouve que c’est un sujet très important à aborder.
Si un coureur est fatigué, s’il a effectué une grosse séance la veille et qu’aujourd’hui il ne se sent pas au top, il doit apprendre à adapter son plan. Cela ne sert à rien de vouloir coûte que coûte faire sa grosse séance traumatique juste parce que le plan la prévoit. Si on ressent de la fatigue, on va plutôt privilégier une sortie tranquille et légère sans pousser son corps dans ses limites.
Bien planifier c’est également savoir diversifier. Allier la course à pied avec du renforcement musculaire, du vélo, la natation, du yoga ou tout autre sport compatible est excellent. Non seulement cela permet de diminuer les stress générés par la course à pied, d’apporter de la variété, et en plus de permettre au coureur d’être plus complet et plus puissant (voir également l’article Les objectifs et garder la motivation de courir).
Enfin, quand on parle de planification on peut également aborder le sujet des repas et de la digestion. Il faudrait manger maximum 2 – 3 heures avant son entrainement. Idéalement un repas léger, c’est-à-dire une dose de nourriture qui tient dans la paume de sa main. Cela permet d’éviter d’avoir un estomac trop lourd ou un inconfort qui ne va pas être bénéfique pour la pratique sportive.
Quelles sont les conséquences de ne pas être à l’écoute des signaux d’alerte ?
Tout d’abord, on peut très vite passer dans un syndrome de surentrainement et d’une fatigue chronique qui s’installe.
Typiquement, des coureurs fatigués vont se faire des entorses parce qu’ils sont moins attentifs et font moins attention où ils posent les pieds.
Ensuite, on pourrait parler des différentes inflammations des tendons. La plus courante est le syndrome de l’essuie-glace qui touche +/- 1/4 des coureurs. C’est un problème typique qui survient notamment quand on cherche à augmenter son temps de course et son kilométrage. Cette inflammation augmente progressivement à chaque sortie, jusqu’à devenir insupportable et provoquer l’arrêt pendant plusieurs semaines.
Là encore, il est préférable d’adapter son temps d’entrainement, sa distance, et sa vitesse. Et comme indiqué précédemment, en cas de doute on consulte ! On ne force surtout pas avant d’avoir identifié la cause précise de la douleur.
Comment trouver le bon rythme pour augmenter son kilométrage hebdomadaire ?
C’est une question vraiment très complexe car chaque personne à son propre niveau de base d’entrainement et ses capacités d’adaptation.
Il faut être un peu méthodique tant au niveau du ressenti que de la quantification de ses entrainements.
Si un coureur se sent à l’aise sur des sorties de 5-6 kilomètres pendant une semaine, qu’il n’a pas de raideurs musculaires et articulaires les jours qui suivent, de courbatures trop prononcées, et que ses chronos ainsi que son ressenti général s’améliorent petit à petit, alors cela indique qu’on peut envisager d’augmenter la charge d’entrainement.
Il faut également essayer de quantifier le nombre de kilomètres ou de temps passés à s’entrainer par semaine. Cela permet de quantifier le stress physique généré par son activité et de planifier l’augmentation par cycles de 3-4 semaines. En clair, si on peut courir et récupérer sans problème de 25 kilomètres hebdomadaires pendant un cycle complet, on peut envisager d’augmenter de plus ou moins 10% son cycle suivant.
En revanche, si on sent que les cuisses commencent à être vraiment raides, que les mollets commencent à trinquer, il ne faut pas hésiter à retourner dans sa zone de confort.
Trouver ce bon compromis entre augmentation des charges et la capacité d’adaptation. Ecouter son corps en course à pied est gage de longévité !
Question assez fréquente. Quand mettre du chaud et quand mettre du froid ?
Le froid
Le froid est recommandé sur tout ce qui est articulaire. Mais aujourd’hui, il faut savoir que la thérapie par le froid est un sujet hyper controversé et remis en cause.
Le froid va aussi aider pour la récupération et les sensations de courbatures. On voit pas mal de sportifs professionnels se plonger dans des grandes poubelles remplies de glace.
Par contre, c’est vraiment très compliqué à mettre en place pour monsieur et madame tout le monde. Et pour obtenir des effets bénéfiques, il faut pouvoir atteindre des températures extrêmement basses. Appliquer un coolpak par exemple ne va pas servir à grand chose. Ce genre d’application très localisée ne rentre même pas à plus d’un centimètre au niveau de la peau. Cela n’a donc vraiment pas un effet systémique (sur l’ensemble du système).
Les cabines de cryothérapie sont déjà nettement plus efficaces, mais cela représente un certain budget.
Le chaud
On va appliquer du chaud sur des petites douleurs musculaires. À condition d’être sûr qu’il n’y a pas une déchirure. Quand on parle de petite douleur cela signifie une petite gêne qui ne vous empêche pas de marcher dans la vie de tous les jours, ou bien de faire un saut, ou de mobiliser le muscle de manière basique.
Concernant le chaud, je conseille de l’utiliser le lendemain d’une sortie ou d’une course. Cela peut apporter une sensation de détente. Un bon bain chaud, c’est quelque chose de facile à faire et ça fait du bien.
Dernière question Pierre: peux-tu nous expliquer la différence entre la kiné sportive et la kiné générale ?
La différence entre kiné sportive et la kiné normale est que l’on va non seulement traiter la pathologie du patient, et aussi le suivre pendant sa réathlétisation.
Pour cela, un kiné sportif doit connaître les activations musculaires liées aux mouvements les plus fréquents dans les différents sports. Connaître ces caractéristiques permet une prise en charge plus précise des patients.
De plus, au lieu de traiter uniquement la pathologie, le kiné sportif va également faire en sorte qu’elle ne revienne pas. Il va apporter un aspect préventif pour renforcer une structure et qu’elle soit encore plus performante par après.
Pierre Orban est kinésithérapeute sportif à Nivelles (Belgique – Brabant Wallon), spécialiste en réhabilitation et réathlétisation de sportifs, et préparateur physique d’équipes de football et de hockey.
7 Responses
Article très intéressant. Tout y est bien expliqué, de façon compréhensible et facile d’accès. Merci !
Merci pour cet article !
Benoît
Un grand merci Benoît !
Très bonne explication de ce qu’il faut ou ne pas faire.
C’est vrai qu’en course a pied on risque beaucoup de blessures, donc quand on aime, il faut prévenir pour pourvoir continuer à aimer. 😉
Merci Michel !
Merci pour cet article très clair.
Ce j’ai retenu : il faut s’arrêter ou ralentir dès l’apparition d’une douleur… difficile de se raisonner 😉
Merci Florence. Mieux vaut reculer pour mieux sauter 😉