Le premier marathon dont je souhaite vous parler est en fait le deuxième auquel j’ai participé. Vous pourriez penser que c’est étrange vu le titre du blog, mais en fait c’est la première fois que j’ai compris tout ce que cette course peut signifier.
Un voyage mouvementé
Le Jeudi 19 mars 2015 est encore imprégné dans ma mémoire. J-3 avant la 21ème édition du Marathon de Rome, la seconde fois que j’allais parcourir la distance de 42.195 km. La préparation s’était très bien passée. Aucune blessure ne m’empêchant de m’entraîner avec régularité. Un état de forme supérieur à mon premier marathon grâce aux 900km répartis en 90 séances sur 6 mois d’entraînements. J’abordais ce deuxième marathon extrêmement confiant de pouvoir m’approcher des 3h30 pour passer la lignée d’arrivée.
J’avais choisi Rome comme destination car cela me permettait de courir un marathon dans la ville de mon cœur. De plus, le parcours est magnifique et plat (voir détails ici ), l’idéal pour prendre un maximum de plaisir. Le voyage avait été organisé de longue date avec un départ en avion pour Rome le vendredi 20 mars. Retrouvailles avec la famille sur place, retrait du dossard tranquillement dans la journée du samedi et repos jusqu’au départ prévu le dimanche à 9h. Nous avions décidé de réserver un petit appartement avec cuisine à 2 pas du Colisée, théâtre du départ du Marathon. C’était l’idéal pour gérer l’alimentation et les déplacements.
Lorsque je reçus le mail de Brussels Airlines ce jeudi matin, je me vois encore être assis à la table de ma cuisine prenant le petit déjeuner avec ma femme. Ce fut comme recevoir un coup de marteau sur la tête. Le secteur aérien italien venait de se mettre en grève et mon vol du vendredi matin était annulé. Il restait encore une chance de prendre un avion le vendredi soir, mais sous réserve de confirmation en fin de journée. Lorsque l’annulation de tout vol vers l’Italie fut confirmée, il ne nous restait plus qu’une chose à faire, partir en voiture dans la journée du vendredi en espérant arriver le samedi matin et profiter de quelques heures afin de me reposer.
Une accumulation d’adversités
En fait, cette annulation n’était qu’un petit coup de marteau comparé à celui que nous venions de prendre ma femme et moi quelques jours auparavant. En effet, elle venait juste de faire une (4ème) fausse-couche et il est très compliqué de pouvoir expliquer avec les mots à quel point cela peut être dur et éprouvant. Ces quelques jours nous avaient déjà privés d’heures de sommeil et engendrés une fatigue mentale importante.
Cette succession d’événements avaient un point commun à mes yeux : des espoirs et des projections bouleversés et qui s’effondrent en un instant.
Arrivés finalement à Rome dans l’après-midi du samedi, et malgré tout heureux de retrouver les membres de famille, le voyage en voiture m’a fatigué et je n’ai plus beaucoup d’heures pour me reposer. Juste le temps d’aller retirer au plus vite mon dossard à l’autre bout de la ville, et retour illico à l’appartement. De plus, depuis le jeudi, je n’ai plus du tout suivi le plan alimentaire que je m’étais fixé afin d’arriver au top sur la ligne d’arrivée. Bref, moi qui souhaitais bénéficier de l’expérience du premier marathon pour planifier tout dans les moindres détails, j’étais désormais en territoire inconnu. J’étais même énervé par la situation et convaincu que ça allait mal se passer.
La course
Le départ
La météo du dimanche matin n’allait pas arranger mon moral. Fine bruine et température écossaises sur la ville éternelle. De quoi me changer de la canicule belge. Avant le départ, nous avions convenu avec la famille de certains points où ils allaient pouvoir me voir passer sur le parcours. Je savais que leur soutien allait être encore plus nécessaire que d’habitude.
Me voilà sur la ligne de départ, équipé de mes inséparables montre et cardiofréquencemètre afin de contrôler tous mes indicateurs physiques pendant la course. Je n’allais pas être déçu, mon rythme cardiaque en position statique sur la ligne de départ était déjà de 115 pulsations, soit beaucoup trop de battements en plus que d’habitude. Toutefois, après les péripéties qui m’ont conduites à la ligne de départ, j’étais décidé à m’en tenir au plan de course que je m’étais fixé : suivre dès le départ les meneurs d’allure de 3h30 le plus longtemps possible. Je pense même m’être imaginé, l’espace d’un moment, les laisser derrière moi à quelques kilomètres de l’arrivée. Rien que de l’écrire ça me fait sourire car au plus profond de moi je sentais de la peur.
« La peur et la douleur sont de bonnes leçons. Celui qui éprouve découvre et d’abord se découvre. » Martin Gray – Le livre de la vie (1973)
C’est un instant magique de pouvoir démarrer au pied du Colisée après les dernières notes de l’hymne italien. Les premiers kilomètres se passent au mieux. Le public est assez présent sur ce début de course et surtout le parcours propose une légère descente sur ses 3 premiers km. De quoi conforter les plus dubitatifs de leur état de forme.
Un premier marathon au mental
Toutefois, au fil des kilomètres, la réalité, ma réalité construite au fil des heures précédant la course allait vite reprendre le dessus. Je ne reconnaissais plus ma foulée, mon souffle, le rythme que j’avais « travaillé » pendant ces longues heures d’entrainement. C’était comme si tout s’était effacé pour laisser place à un autre moi qui avait été largué dans un environnement peu familier.
Très vite, la peur de l’échec s’accentue et mène vers une quasi-certitude de ne pas pouvoir atteindre l’objectif que je m’étais fixé. Et lorsque l’on est convaincu et focalisé sur cet échec, tous les signes physiques sont perçus comme des preuves supplémentaires que son sort est inéluctable. Je me souviens exactement de l’endroit et du moment où mes jambes ne voulaient plus suivre le rythme que je me forçais à leur imposer. Après plusieurs kilomètres de perte de vitesse, et où le meneur d’allure des 3h30 était devenu un lointain souvenir, le panneau 27 km placé sur la rive juste en face du Stade Olympique allait marquer le début d’une lutte animée avec cet autre moi.
Il restait 15.195 km (0.195 km ça compte dans ces moments-là). Chaque mètre passé à marcher me ramenait à ce sentiment d’échec, amplifié et corrélé aux événements personnels des jours précédents. De plus, toujours pas de traces de ma famille et de ma femme dans le public, et la solitude qui vient compléter le tableau sans parler de la honte d’être tellement en retard sur les temps de passages que je leur avais annoncés. Autant dire que la notion de plaisir était totalement absente à ce moment-là, mon esprit n’était que douleur et déception. Mon premier marathon m’avait mis à l’épreuve physiquement, ce deuxième explorait mes ressources mentales.
La découverte de l’ange gardien
La plupart des sportifs vous diront qu’il suffit souvent de peu de choses pour que les perspectives changent et que son état d’esprit bascule. Pour ma part, cela s’est fait en 2 temps sur les 5 derniers kilomètres. Au 37ème j’ai pu voir ma tante et enfin ma femme, en larmes de me voir aussi loin dans la douleur. En les voyant, mon premier sentiment était un mélange de tristesse et de honte de les avoir fait attendre si longtemps. Par contre, leur présence et leurs encouragements m’ont permis de comprendre que j’étais occupé à accomplir quelque chose de plus fort qu’une simple course contre le temps. Les larmes me sont montées ainsi qu’un regain de volonté et de quelques énergies pour avancer.
Quelques kilomètres plus tard, est apparu celui que j’appelle « mon ange gardien ». Alors que je marchais pour aborder le dernier kilomètre, un autre participant me voyant m’a dit « ma che c*** fai, non puoi camminare adesso !». En français ça donne « mais qu’est-ce que tu fous p*****, tu ne peux pas marcher maintenant ! ». Quand on pense que la douleur est trop forte, il y a malgré tout des personnes que l’on rencontre par hasard et qui ont un impact significatif. Nous avons couru ensemble ce dernier kilomètre, ou plutôt il m’a donné des ailes pour finir la course comme j’aurais aimé. Jamais je n’oublierai d’avoir pris et serré dans mes bras un parfait inconnu la ligne d’arrivée franchie…après 4h21, soit près d’une heure en plus que mon objectif fixé.
Enseignements 5 ans après
Avec le recul, j’ai pu en tirer plusieurs enseignements. Je voudrais partager avec vous 4 conseils pour profiter au mieux de votre premier marathon :
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Accepter l’adversité :
Je pense que nous sommes tous capables d’accepter et de comprendre que les situations inattendues et la douleur font partie du jeu. Participer à son premier marathon n’est surement pas une exception. S’en rendre compte nous permet de ne pas nous sentir seuls lorsque nous sommes confrontés à ces moments difficiles pendant la course. La perfection est illusoire et sachez que plus on est en lutte contre sa douleur et ses sentiments, plus on l’alimente. Aujourd’hui, je vois ce marathon comme le plus beau que j’ai pu faire et j’en suis ressorti avec énormément de confiance sur mes capacités à affronter l’adversité. L’année 2019 allait faire en sorte que je ne l’oublie pas (voir ici).
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Se recentrer :
Comme j’en parlais dans mon récit, notre cerveau nous envoie facilement des messages qui viennent parasiter notre effort. On en oublie parfois pourquoi nous sommes là, pourquoi nous participons. Nous anticipons des événements négatifs probables mais pas certains (dont le fameux mur des 30km). Je ne peux que vous conseiller de vivre l’instant présent. Quand votre mental s’emballe, essayez de vous recentrer sur votre geste et votre souffle.
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Vivre l’événement :
Prenez également le temps d’écouter attentivement les encouragements, en lisant les pancartes préparées minutieusement par les spectateurs, en écoutant la musique sur le trajet, etc. Cela vous permettra de libérer votre esprit de pensées négatives, et de vous raccrocher à des éléments qui surviennent maintenant et ici. Faites de votre premier marathon un moment de plaisir.
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Focaliser son attention sur le positif :
La majorité des coureurs sont excellents pour identifier leurs peurs et leurs faiblesses, le stress d’avant course, mais moins pour les bonnes choses qu’ils vivront tout au long des 42km. Une des clés du plaisir lors d’un marathon est de se focaliser sur toutes les choses positives, simples, mais tellement importantes. Bien que j’ai vécu ce marathon comme une réelle déception, être sur la ligne de départ était déjà un accomplissement. Le fruit d’une volonté de produire des efforts pendant des mois, ainsi qu’une condition physique tout à fait respectable. De plus, courir un marathon (à plus forte raison dans une ville que l’on ne connait pas) nous permet de participer à une fête et de voir cette ville sous un angle tout à fait inédit, et dans la plupart des cas passer un weekend en famille et/ou avec des amis.
Et vous ?
Êtes-vous déjà passé à côté d’un objectif sportif qui vous tenait à cœur ? N’hésitez pas à commenter.
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6 Responses
Topissime Massimo 😍
J’attends tes autres articles avec impatience.
Ça donne envie de courir même si là je le pense juste très fort 🤣
Merci Laura. On commence par y penser, et un jour on se lance.
Les larmes aux yeux en te lisant Capitano, les émotions ressenties sur des efforts aussi long(perso je n’ai jamais fait plus de 22km) sont étonnantes, on passe du rire aux larmes en
quelques instants, la course est une mini-vie….être sur la ligne de départ est une victoire, franchir la ligne d’arrivée en est une autre 😀😀😀 Il faut être compétiteur mais surtout il faut prendre du plaisir. Tu n’aurais pas eu plus de mérite à mes yeux si tu l’avais fait en 2h.
Bravo Capitano
Merci Michel. Mettre ses baskets et y aller, quelle que soit la distance est déjà une force !
Très bel article, inspirant pour moi qui envisage ma participation à un 1er marathon en 2021 ou 2022
Merci ! Très beau partage!Je fait mon premier marathon cette année et
C’est le petit train du nord a Montréal nord .J’ai hâte vous m’encourager beaucoup a focuser sur les chose simple de la vie!C’est l’essentiel ,Merci!